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VIE ET ŒUVRE

âge, au visage large, Dounietchka. Avec elle restait aussi sa vieille bonne Euphrasie, une grande vieille, ridée, avec une grosse gorge de dindon où se trouvait une sorte de boule qu’elle nous faisait tâter.

« L’apparition de Dounietchka dans notre maison était liée avec un arrangement compliqué entre mon père et Témiachev. Voici en quoi il consistait :

« Témiachev était très riche et n’avait pas d’enfants légitimes. Il avait deux filles : Dounietchka et Verotchka, une petite bossue, d’une serve affranchie Marfoucha. Comme héritiers, Témiachev avait ses deux sœurs. Il leur laissait tous ses domaines sauf Pirogovo, où il vivait, et qu’il désirait transmettre à mon père pour qu’il en remît la valeur, trois cent mille roubles (on disait toujours que Pirogovo était un morceau d’or et valait beaucoup plus), aux deux fillettes. À cette fin, voici ce qu’on avait inventé : Témiachev faisait un acte de vente par lequel il vendait Pirogovo à mon père, pour trois cent mille roubles, et mon père souscrivait des billets à ordre à trois personnes : Isléniev, Iazikov et Glébov, de cent mille roubles chacun. En cas de mort de Témiachev, mon père recevrait le domaine, expliquerait à Glébov, Iazikov et Isléniev dans quel but ces billets avaient été souscrits et les trois cent mille roubles iraient aux deux fillettes.

« Je fais peut-être quelque erreur dans mon explication de cet arrangement, mais je sais sûrement que le domaine Pirogovo passa chez nous à la mort