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VIE ET ŒUVRE

avec tant d’assurance qu’on oubliait que c’était une invention. Quand il ne racontait pas ou ne lisait pas, (et il lisait beaucoup), il dessinait. Il dessinait presque toujours des petits diables avec des cornes et des moustaches retroussées qui s’accrochaient entre eux dans les poses les plus variées et qui étaient occupés des choses les plus diverses. Ces dessins étaient également pleins d’imagination et d’humour.

« Une fois, nous avions moi, cinq ans, Mitenka, six, Sérioja, sept, il nous déclara qu’il avait un secret, qui, une fois révélé, ferait que tous les hommes soient heureux. Il n’y aurait plus ni maladies, ni chagrins, personne ne se fâcherait et tous s’aimeraient, tous deviendraient les « Frères Fourmis ». Il voulait probablement dire les « Frères Moraves »[1], dont il avait entendu parler ou dont il avait lu l’histoire, mais dans notre langage c’était les « Frères Fourmis » : et je me rappelle que le mot « Fourmis » nous plaisait particulièrement, nous rappelant la fourmilière. Nous inventâmes même le jeu des « Frères Fourmis ». Il consistait en ceci : nous nous asseyions sous des chaises que nous entourions de caisses et recouvrions de châles, et nous restions là, dans l’obscurité, serrés l’un contre l’autre. Je me rappelle avoir éprouvé à ce jeu un sentiment d’amour et d’attendrissement, et j’aimais beaucoup ce jeu. La fraternité des Fourmis nous était révélée, mais le secret principal : que faire pour que les hommes

  1. Fourmi, en russe, mouraveï.