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VIE ET ŒUVRE

cesser le mal par magnétisme. Il rentra dans le cabinet, referma la porte derrière lui et quelques minutes après il en sortit avec deux mouchoirs de batiste et dit : « Quand tu mettras celui-là le mal passera et celui-ci c’est pour que tu dormes bien. » On prit les mouchoirs, on les mit à Serge et il nous est resté l’impression que tout se passa comme il l’avait dit.

« Je me rappelle son beau visage bronzé, rose, avec d’épais favoris blancs descendant jusqu’au coin de la bouche. Je voudrais raconter beaucoup sur cet homme extraordinaire, criminel et séduisant. »

Nous terminerons ce chapitre de l’enfance par les souvenirs poétiques de Léon Nikolaievitch, pris de sa nouvelle l’Enfance.

« Heureuse, heureuse époque de l’enfance à jamais disparue ! Comment ne pas l’aimer, comment ne pas en caresser le souvenir ? Ce souvenir rafraîchit, réconforte mon âme, il est la source de mes meilleures joies…

« … Après la prière je me glisse sous ma petite couverture, et mon âme est calme, claire, légère ; les rêves succèdent aux rêves ; mais quels sont-ils ? Ils sont insaisissables, mais pleins d’amour pur et de l’espoir d’un bonheur sans nuages. Je songe parfois au triste sort de Karl Ivanovitch, le seul homme que je sache malheureux, et il me fait tant de peine et je l’aime tant, que des larmes coulent de mes yeux et que je dis : Que Dieu lui donne le bonheur