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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 1.djvu/174

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LÉON TOLSTOÏ

ments philosophiques qui, dès l’adolescence, déterminent la voie dans laquelle se développera cet esprit puissant et y entraînera plusieurs :

« On me croira à peine si je dis quels étaient les sujets les plus fréquents de mes réflexions favorites pendant mon adolescence, tant ils étaient incompatibles avec mon âge et ma situation. Mais, selon moi, le contraste entre la situation de l’homme et son activité morale est l’indice le plus sûr de la vérité. »

… « Une fois, il me vint à l’idée que le bonheur ne dépend pas des causes extérieures, mais de notre rapport envers elles ; que l’homme qui est habitué à supporter la souffrance ne peut pas être malheureux ; et, pour m’habituer au travail, malgré un mal sensible, je tenais pendant cinq minutes, à bras tendu, le dictionnaire de Tatistcheff, ou je me rendais dans le cabinet noir, et, avec une corde, je me fouettais si violemment sur le dos nu que des larmes, malgré moi, coulaient de mes yeux.

« Ou bien, me rappelant subitement que la mort m’attendait à chaque heure, à chaque moment, je décidais, sans me demander pourquoi jusqu’ici les hommes ne l’avaient pas compris, que l’homme ne peut être heureux qu’en jouissant du présent sans songer à l’avenir, et, sous l’influence de cette pensée, pendant trois jours, je négligeais tout à fait les leçons et ne pensais plus qu’à cela ; allongé au lit, je jouissais de la lecture d’un roman quel-