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LÉON TOLSTOÏ

posais des règles que je m’efforçais de suivre. Je me perfectionnais physiquement par des exercices divers mettant en jeu la force et l’adresse, par des privations de toutes sortes. Je m’endurcissais à la souffrance et à la patience, et tout cela me semblait être le perfectionnement. Le commencement de tout était sans doute le perfectionnement moral, mais bientôt il était remplacé par le perfectionnement, en général, c’est-à-dire par le désir d’être meilleur, non devant soi-même ou devant Dieu, mais devant les autres hommes. Et bientôt ce désir d’être meilleur devant les autres fit place au désir d’être plus fort que les autres, c’est-à-dire plus célèbre, plus important, plus riche qu’eux[1]. »

Et après, commence cette confession douloureuse qui, tout en démasquant les fautes de L.-N. Tolstoï, en même temps met à nu notre âme, la plupart d’entre nous ayant traversé ce même abîme de débauches. Pour tous, elles ne furent peut-être pas aussi nombreuses, aussi profondes, mais elles étaient accompagnées de moins de franchise, de moins de conscience de notre iniquité. « Un jour je raconterai l’histoire de ma vie — histoire pénible et instructive — durant ces dix années de ma jeunesse ; je pense que beaucoup ont éprouvé la même chose. De toute mon âme je désirais être bon, mais j’étais jeune, j’avais des passions, j’étais seul, absolument seul quand je cherchais le bien. Chaque fois

  1. L.-N. Tolstoï. Confessions ; édition russe de V. Tchertkof.