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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 1.djvu/274

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LÉON TOLSTOÏ

« Au mouvement rapide de la troïka sur la route, on eût dit que les montagnes couraient à l’horizon avec leurs sommets roses brillant sous le soleil levant. Au commencement, les montagnes étonnèrent seulement Olénine ; ensuite il éprouva du plaisir, mais regardant de plus en plus cette chaîne de montagnes de neige qui paraissaient et disparaissaient non pas derrière d’autres montagnes sombres, mais tout droit dans la steppe, peu à peu, il commença à en pénétrer la beauté, et il finit par sentir les montagnes. À partir de ce moment tout ce qu’il voyait, tout ce qu’il pensait, tout ce qu’il sentait reçut pour lui un caractère nouveau, le caractère majestueux et sévère des montagnes. Tous les souvenirs de Moscou, la honte et le regret, tous les rêves vulgaires sur le Caucase, tout se dispersa et ne reparut plus. Une sorte de voix solennelle semblait lui dire : « Maintenant, c’est, commencé ! » Et la route et la ligne du Térek qu’on voyait de loin, et les stanitza, et la population, maintenant tout cela ne lui semblait plus une plaisanterie. Il regarde le ciel et se rappelle les montagnes ; il se regarde lui-même, et Vanucha, et, de nouveau, les montagnes. Ah ! deux Cosaques à cheval ; leurs fusils engaînés se balancent en cadence sur leurs dos ; les chevaux mêlent leurs jambes baies et grises, et les montagnes… Derrière le Térek on aperçoit la fumée de l’aoul, et les montagnes… Le soleil s’élève et brille sur le Térek qu’on aperçoit à travers les roseaux, et les montagnes !… Un chariot vient de la stanitza, des