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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 1.djvu/297

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VIE ET ŒUVRE

des idées religieuses les plus profondes, pleine de tendresse pour l’être aimé et de rêves et de plans sur le futur et modeste bonheur de famille.

« Voilà les idées qui me sont venues. Je tâcherai de vous les rendre parce que je pensais à vous. Je me trouve bien changé au moral, et cela m’est arrivé tant de fois. Au reste je crois que c’est le sort de tous. Plus on vit, plus on change, vous qui avez de l’expérience, dites-moi ; n’est-ce pas, que c’est vrai ? Je pense que les défauts et les qualités — le fond du caractère, — resteront toujours les mêmes, mais la manière d’envisager la vie, — le bonheur, — doit changer avec l’âge. Il y a un an je croyais trouver le bonheur dans le plaisir, dans le mouvement, à présent, au contraire, le repos au physique comme au moral est un état que je désire. Mais je me figure l’état de repos sans ennuis et avec les tranquilles jouissances de l’amour et de l’amitié — c’est le comble du bonheur pour moi ! Au reste, on ne ressent le charme du repos qu’après les fatigues, et les jouissances de l’amour qu’après les privations. Me voilà privé, depuis quelque temps, de l’un comme de l’autre, c’est pour cela que j’y aspire si vivement. Il faut m’en priver encore, pour combien de temps ? Dieu le sait. Je ne saurais dire pourquoi, mais je sens qu’il le faut. La religion et l’expérience que j’ai de la vie (quelque petite qu’elle soit) m’ont appris que la vie est une épreuve. Dans moi elle est plus qu’une épreuve, c’est encore l’expiation de mes fautes.