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LÉON TOLSTOÏ

« Dieu merci, je vais bien. Ma vie est gaie et agréable depuis mon retour de l’étranger. En général, tout mon séjour dans l’armée se divise en deux périodes ; à l’étranger, mauvais, j’étais mal, pauvre, seul ; et dans la patrie, agréable ; je suis bien portant, j’ai de bons amis, mais toutefois je suis pauvre ; l’argent file.

« Je n’écris rien, mais je sens comment tante me taquine. Une seule chose m’inquiète, c’est la quatrième année que je vis hors de la société des femmes. Je puis devenir tout à fait grossier, et n’être plus apte à la vie de famille que j’aime tant. Au revoir, Dieu sait quand nous nous verrons si vous et Nicolas ne pensez pas faire un tour de Tambov au quartier général, pendant la chasse. »

J’ai cité entièrement cette remarquable lettre qui montre combien à cette époque Léon Nikolaievitch avait l’âme jeune, combien il était capable de s’enthousiasmer, et comment cet enthousiasme lui obscurcissait la représentation de tout ce qui se passait autour de lui. Avec une vigueur d’autant plus grande apparaissent sur ce fond la conscience claire et l’inspiration prophétique.

Il est évident que, malgré leur force, ses impressions extérieures ne remplissaient pas toute l’âme de Léon Nikolaievitch, et dans l’isolement des blindages du 4e bastion, quand il écrivait son journal, il restait le même chercheur d’idéal qu’il fut toujours. Son état d’âme d’alors est exprimé dans ces quelques vers :