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VIE ET ŒUVRE

ces personnes me semblaient exclusivement bonnes est beaucoup plus près de la vérité que de n’avoir vu que leurs défauts.

« Ma mère n’était pas jolie. Elle était, pour son temps, très instruite. Outre le russe que, contrairement à l’usage d’alors, elle connaissait parfaitement, elle savait encore et écrivait quatre langues : le français, l’allemand, l’anglais et l’italien. Elle avait probablement beaucoup de goût pour les arts et jouait très bien du piano, et ses amies m’ont raconté qu’elle narrait merveilleusement des contes qu’elle inventait au fur et à mesure de son récit. Mais sa qualité la plus précieuse était, selon les récits des domestiques, de savoir dominer son caractère emporté. « Elle devenait toute rouge, pleurait même, m’a raconté sa femme de chambre, mais jamais elle ne disait de mots grossiers. » Elle n’en savait même pas.

« Je possède quelques lettres d’elle à mon père et à des tantes et le journal de la conduite de Nikolenka (mon frère aîné) qui avait six ans quand elle mourut, et qui, je pense, lui ressemblait le plus. Tous deux avaient ce trait de caractère qui m’est si cher, que je suppose à ma mère d’après ses lettres, mais que je connaissais parfaitement bien chez mon frère : leur indifférence pour l’opinion des hommes et la modestie poussée jusqu’à tel point qu’ils tâchaient de cacher aux autres les avantages de leur esprit et de leur vertu. Ils paraissaient avoir honte de ces avantages. Je le connaissais très bien chez