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LÉON TOLSTOÏ

côté ceux qui s’approchaient de lui. En arrivant sur la place, derrière le jardin, on descendit le loup ; avec des fourches on le maintint sur le sol et on lui délia les pattes. Il se mit à se débattre et à mordre la corde avec colère. Enfin on délia la corde qui liait la gueule. Quelqu’un cria : libre ! On ôta les fourches. Le loup se redressa, resta immobile une dizaine de secondes ; mais on poussa un cri et lâcha les chiens. Le loup, les chiens, les chasseurs à cheval et à pied coururent dans le champ, et le loup s’échappa. Je me souviens que mon père gronda quelqu’un en agitant les bras avec colère puis rentra à la maison.

« Un de mes souvenirs les plus agréables de mon père, c’est de me le rappeler assis avec grand-mère sur le divan et l’aidant à faire une patience. Mon père était poli et amical avec tous, mais avec ma grand-mère il était particulièrement tendre. Grand-mère, avec son long menton, son bonnet ruché, est assise sur le divan et fait une patience, en prenant de temps en temps une prise de sa tabatière d’or. À côté du divan est assise une vieille femme, Pétrovna, en caraco ; elle tricote, et son peloton frappe de temps en temps le mur. Cette Pétrovna, une marchande de Toula, on ne sait pourquoi, plaisait à ma grand-mère et souvent restait chez nous ; elle s’asseyait près de ma grand-mère sur le divan du salon. Sur des chaises sont assises les tantes, l’une d’elles lit à haute voix. Sur une chaise, y faisant un creux, s’est déjà installée la noire Milka,