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VIE ET ŒUVRE

jamais elle ne parlait de religion : ce qu’il faut croire, ce qu’elle croyait, comment elle priait. Elle croyait en tout, et ne rejetait qu’un seul dogme, celui de la souffrance éternelle : « Dieu qui est la bonté même ne peut pas vouloir nos souffrances. »

« Et sauf aux prières d’actions de grâce et aux services mortuaires, je n’ai jamais vu comment elle priait. Ce n’est que par la tendresse particulière avec laquelle elle me recevait quand parfois, tard le soir, après lui avoir souhaité une bonne nuit, je venais chez elle, que je devinais que j’interrompais sa prière. — « Viens, viens, me disait-elle. Et moi je venais de dire à Natalie Pétrovna que Nicolas viendrait encore chez nous. » Souvent elle m’appelait du nom de mon père et cela m’était particulièrement agréable, car cela montrait qu’elle m’unissait à mon père dans son amour.

« Un soir, tard, elle était déjà déshabillée, en toilette de nuit, un fichu jeté sur ses épaules, ses pieds de poule dans les pantoufles. Natalie Pétrovna était dans le même négligé, elle me dit, voyant que je ne voulais pas me coucher ou que la solitude me pesait :

— « Assieds-toi, assieds-toi. »

« Et ces veillées tardives m’ont laissé un souvenir particulièrement agréable. Natalie Pétrovna ou moi disions quelque chose de drôle, et elle riait de tout son cœur. Natalie Pétrovna riait aussi, et toutes deux, sans même savoir de quoi, riaient longuement, comme des enfants, uniquement parce qu’elles