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VIE ET ŒUVRE

à parcourir les rues, les guinguettes, les cafés-concerts, les musées, les ateliers, les docks, les librairies. Ce même petit garçon qui m’avait répondu qu’Henri IV avait été tué par Jules César connaissait bien l’histoire des Trois Mousquetaires et de Monte-Cristo. À Marseille, j’ai trouvé vingt publications illustrées à bon marché, à cinq et dix centimes. On en vend trente mille exemplaires pour une population de deux cent cinquante mille habitants, c’est-à-dire qu’en admettant que chaque numéro soit lu et entendu par dix personnes, alors tout le monde les connaît. En outre, il y a les musées, les bibliothèques publiques, les théâtres. Il y a deux grands cafés-concerts où, pour une consommation qui coûte cinquante centimes, chacun a le droit d’entrer, et où passent journellement près de vingt-cinq mille personnes, sans compter les petits cafés qui voient la même quantité de gens.

« Dans chacun de ces cafés on donne des comédies, des saynètes ; on déclame des poésies. Voilà donc, d’après le calcul le plus global, un cinquième de la population qui s’instruit chaque jour comme s’instruisaient les Grecs et les Romains dans leurs amphithéâtres. Cette instruction est-elle bonne ou mauvaise ? c’est une autre affaire, mais celle-là, c’est l’instruction spontanée, combien plus féconde que l’instruction obligatoire ; c’est là l’école spontanée qui a ruiné l’école obligatoire, celle-ci ayant réduit presque à rien son enseignement et n’ayant gardé qu’une forme despotique, sans plus, ou peu s’en