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VIE ET ŒUVRE

— « On photographie Herzen en personne. » — « Comment Herzen ?… » demanda l’officier. Mais les rires lui firent comprendre la plaisanterie, et il sortit en se mordant les lèvres[1]. »

Zakharine-Iakounine, dans ses souvenirs sur la comtesse A.-A. Tolstoï, raconte les détails suivants :

« Après avoir fait à la comtesse A.-A. Tolstoï le récit de cette mesure vexatoire, Léon Nikolaievitch ajoutait : « Je me dis souvent : quelle chance que je ne me sois pas trouvé là ! Si je m’y étais trouvé, sûrement je serais maintenant jugé comme assassin. »

Cette phrase acerbe est facile à expliquer, si l’on se rappelle toutes les vexations que subirent les personnes qui, en ce temps, lui étaient proches : sa tante et sa sœur. Ainsi l’inspecteur de police de Toula, Kobeletzki, ne permit à la sœur de Léon Nikolaievitch de passer du cabinet de travail au salon et d’aller se coucher qu’après avoir lu à haute voix, en sa présence, et devant deux gendarmes, toutes ses lettres intimes mentionnées plus haut, ainsi que le journal de Tolstoï et tout ce qu’il avait écrit depuis l’âge de seize ans et cachait soigneusement de tous.

Tolstoï ne voulut pas laisser impunie cette violation de son domicile que rien ne justifiait, et qui le forçait d’abandonner sa cure. Dès qu’il apprit l’invasion faite chez lui il s’adressa à la comtesse A.-A. Tolstoï et lui demanda de communiquer

  1. Souvenirs et notes du prince D.-D. Obolensky. Rousski Archiv (les Archives russes), livre x, 1894.