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VIE ET ŒUVRE

« Chère tante ! J’ai reçu mon passeport pour l’étranger et je suis venu à Moscou pour y passer quelques jours avec Marie et puis aller à Iasnaia arranger mes affaires et prendre congé de vous.

« Mais maintenant j’ai réfléchi, surtout après les conseils de Machenka et j’ai résolu de passer ici avec elle une semaine ou deux et ensuite d’aller tout droit par Varsovie, à Paris. Vous comprenez sans doute, chère tante, pourquoi je ne veux pas et pourquoi il ne faut pas aller maintenant à Iasnaia ou plutôt à S. Il me semble que j’ai mal agi envers V… Mais si maintenant je me rencontrais avec elle j’agirais encore pire. Comme je vous l’ai écrit, elle m’est plus qu’indifférente et je sens que je ne puis plus tromper ni elle ni moi. Et si elle venait, peut-être, par faiblesse de caractère, commencerais-je par me tromper de nouveau.

« Vous rappelez-vous, chère tante, comme vous vous êtes moquée de moi quand je vous ai dit que je partirai pour Pétersbourg pour m’éprouver, et, cependant, c’est à cette idée que je suis redevable de n’avoir pas fait le malheur de la jeune personne et le mien, car ne croyez pas que ce soit de l’inconstance ou de l’infidélité, personne ne m’a plu pendant ces deux mois, mais tout bonnement j’ai vu que je me trompais moi-même et que non seulement jamais je n’ai eu, mais jamais je n’aurai pour V. le moindre sentiment de l’amour véritable. La seule chose qui me fait beaucoup de peine, c’est que j’ai fait du tort à la demoiselle et que je ne