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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/104

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LÉON TOLSTOÏ

fendre, parce que notre loi, dont l’esprit est de gracier plutôt dix coupables que de punir un innocent, prévoit tout au profit de la miséricorde. Ce n’est point par pure formalité qu’elle dit que l’accusé ne peut se présenter devant le tribunal sans être assisté d’un défenseur, c’est-à-dire sans la possibilité si non de l’acquittement, au moins d’une diminution de peine. Dans cette assurance je commence ma défense. Selon moi l’accusation doit relever des articles 109 et 116 qui définissent l’allégement de la peine si l’on a prouvé la stupidité du criminel, et l’acquittement si l’on a prouvé la folie.

« Chibounine n’est pas atteint de folie persistante, évidente à l’examen médical, mais son état mental n’est point normal. C’est un malade psychique. Il est privé d’une des capacités principales de l’homme : celle de calculer les conséquences de ses actes. Si la psychiatrie n’a pas reconnu cet état maladif, j’estime néanmoins qu’avant de prononcer l’arrêt de mort nous sommes obligés d’examiner de près ce cas et de nous convaincre si ce que j’avance est une excuse vide ou un fait réel, indéniable. L’état mental de l’accusé, d’un côté, présente ces caractères de stupidité, de simplicité obtuse, prévus par l’art. 104, et qui entraînent la diminution de la peine. D’un autre côté, à certains moments, sous l’influence excitante de l’alcool, son état devient celui de la folie, prévu par l’art 116. Regardez l’accusé, ses yeux baissés, le visage indifférent, tranquille, stupide. Il attend l’arrêt de mort et pas un muscle de son visage ne tressaille, et cela, non par un effort de volonté, mais tout simplement par absence de vie morale. Il ne comprend ni l’im-