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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/118

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LÉON TOLSTOÏ

d’issue, et quand elle fut arrivée à ses dernières limites elle éclata de la façon la plus inattendue pour l’accusé lui-même. Vous dites que la menace des verges exaspéra le soldat. C’est inexact. Le chef, tout simplement, lui retourna le papier après l’avoir corrigé, et lui ordonna de le recopier.

« Le conseil de guerre fut vite convoqué. U… présidait ; les deux autres membres étaient Kolokoltzov et Stassulévitch. On amena l’accusé. Après je ne sais quelles formalités je lus ma plaidoirie, qui aujourd’hui me paraît, je ne dirai pas étrange, mais honteuse. Les juges, avec un ennui masqué par la politesse, écoutèrent toutes ces banalités et allèrent délibérer. Comme je l’ai appris, seul Stassulévitch était pour l’application de ce stupide article que j’avais cité, c’est-à-dire pour l’acquittement à cause de l’irresponsabilité. Kolokoltzov, bien que brave garçon et désireux de m’être agréable, se rangea cependant à l’avis de U… et sa voix trancha la question. Le condamné devait être fusillé. Aussitôt après le verdict, comme vous le dites, j’écrivis à Mme A. A. Tolstoï, une de mes amies, dame d’honneur à la cour. Je lui demandais d’intervenir près de l’empereur pour obtenir la grâce de Chibounine. Dans ma lettre, j’avais oublié d’indiquer le nom du régiment où l’affaire s’était passée. Mme Tolstoï s’adressa au ministre de la Guerre, Milutine, qui lui fit observer qu’on ne pouvait remettre la demande à l’Empereur sans indiquer à quel régiment appartenait le condamné. Elle m’écrivit cela. Je lui répondis aussitôt. Mais les autorités du régiment ne perdaient pas de temps non plus et quand la requête