Aller au contenu

Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
160
LÉON TOLSTOÏ

cour du bourg Gavrilokva, près duquel j’habite, et l’exactitude de ce que j’avance est certifiée par les anciens et les prêtres… »

Après avoir ainsi décrit l’état dans lequel il a trouvé vingt-trois demeures, Tolstoï continue :

« De cette description absolument exacte, il résulte que la plupart de ces familles, cette année, ne peuvent pas se nourrir de leurs propres ressources. Les autres, semblerait-il, pourraient se nourrir si les hommes partaient travailler au loin, mais en réalité elles se trouvent dans une situation également mauvaise, puisque neuf dixièmes de tout le village devraient aller travailler au dehors, et que les paysans, à cause de la disette, laissent partir les ouvriers qu’ils occupaient auparavant. La situation du peuple est terrible quand on pense à l’hiver qui approche. Mais le peuple n’a pas l’air de le comprendre. Les paysans paraissent calmes comme à l’ordinaire. On entend parfois des chansons et des rires, et l’observateur superficiel qui n’aurait pas vu le paysan arracher tige par tige le blé à peine sorti de terre ne pourrait se douter qu’un des pires fléaux menace cette population.

« Le paysan, malgré son âpre labeur, croit à la parole évangélique : les oiseaux du ciel ne sèment ni ne fauchent et le Père du ciel les nourrit. Il croit fermement qu’il lui suffit de travailler et que le Père du ciel le nourrira. C’est pourquoi il n’économise point et quand vient une année malheureuse comme cette année, il se contente de secouer docilement la tête et de dire : « Évidemment nous avons mis Dieu en colère par nos péchés… »

« Du compte rendu qui précède on voit que neuf