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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/203

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VIE ET ŒUVRE

des erreurs dans la description du mariage, d’autant plus que j’aimais ce chapitre. J’ai peur aussi qu’il n’y en ait dans un cas spécial, dont je parle dans la partie qui paraîtra en avril. Je vous prie de m’écrire si vous en trouvez ou si les autres en trouvent. Vous dites vrai : Guerre et Paix grandit à mes yeux, et je suis heureux quand quelqu’un me le rappelle. Chose étrange, j’ai presque oublié Guerre et Paix. Si les critiques myopes pensent que je n’ai voulu décrire dans mon roman que les dîners d’Oblonsky et les épaules de Mme Karénine, ils se trompent. En tout, presque en tout ce que j’ai écrit, j’ai été guidé par le besoin de rapprocher des idées liées entre elles. Mais chaque pensée exprimée à part perd son sens, et s’appauvrit. Quant au lien, il est formé non par la pensée (je le crois), mais par quelque chose qu’on ne peut exprimer par des mots, qu’on ne peut exprimer qu’indirectement, en décrivant les images, les actions, les situations. Vous le savez mieux que moi. Cette idée m’a occupé tous ces derniers temps. L’une des preuves les plus évidentes de ce fait, ce fut pour moi la tentative de suicide de Vronski, qui vous a plu. Je n’ai jamais rien vu avec autant de clarté. Le chapitre où Vronski détermine son rôle après sa rencontre avec le mari était écrit depuis longtemps, je le corrigeais quand, tout à coup, j’ai compris que Vronski devait se tuer. Et il en résulte maintenant que, pour la vérité, c’était organiquement nécessaire. C’est pourquoi un homme intelligent et charmant comme l’est Grégoriev est si peu intéressant pour moi. Il est vrai que si la critique n’existait pas, vous et Grégoriev, qui comprenez l’art, seriez inutiles. Il est vrai que main-