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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/213

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VIE ET ŒUVRE

des luttes et des souffrances infinies, et la conscience plus complète de la lumière qui l’aveuglait.

Cependant il ne faudrait pas confondre l’invention artistique avec le fait réel. Lévine n’est pas tout Tolstoï. C’est un type moyen qui lui est sympathique. La conversion de Lévine, écrite à la fin de 1876, n’est pas celle de Tolstoï. Mais l’artiste se prophétise son avenir et entrevoit la route où le mènera l’implacable raison.

Deux idées principales traversent tout le roman. L’une, que Dostoievski a si bien comprise et qu’exprime ce verset de la Bible inscrit en tête du roman : « C’est à moi que la vengeance appartient, dit le Seigneur, et je le rendrai. » Le crime contre la loi morale supérieure mène inévitablement à la perte. Mais l’homme ne peut être juge ni de ce crime ni de ces criminels. Cette idée générale, négative, imperceptiblement, par des procédés artistiques, se transforme en une idée positive, générale aussi par l’essence, mais exprimée d’une façon particulière, subjective : l’idée que l’homme conscient doit placer le but de sa vie en dehors du moi. Il doit vivre pour l’âme, pour Dieu, sans quoi sa perte est inévitable. Il est facile de voir que dans le développement de cette idée est présenté l’un des épisodes de cette grande lutte qui se livrait dans l’âme de l’auteur, et dont il sortit victorieux et éclairé.