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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/260

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LÉON TOLSTOÏ

Et voilà qu’il tâche de me le prouver. Soit, mon âme n’est pas en son pouvoir.

« La princesse Paskevitch, qui a traduit votre Guerre et Paix, a enfin envoyé ici 500 exemplaires dont j’ai reçu 10. Je les ai distribués aux critiques influents d’ici, entre autres : Taine, About, etc.. Il faut espérer qu’ils comprendront toute la force et la beauté de votre épopée. La traduction est un peu faible, mais faite avec zèle et amour.

« Ces jours-ci, j’ai relu pour la cinquième ou sixième fois et avec un nouveau plaisir cette grande œuvre. Sa construction est bien différente de ce que les Français aiment et cherchent dans les livres, mais à la fin des fins, la vérité sera victorieuse. J’espère sinon une victoire brillante, du moins une conquête solide, bien que lente.

« Vous ne me dites rien de votre nouveau travail et cependant le bruit court que vous travaillez avec zèle. Je vous vois devant votre table à écrire, dans cette izba isolée que vous m’avez montrée. D’ailleurs, de tout cela j’aurai bientôt des nouvelles de première main. Je suis heureux de votre bonheur de famille et vous prie de transmettre à tous les vôtres mes salutations les plus sincères.

« En effet, la Russie traverse maintenant des jours sombres et pénibles ; et c’est précisément maintenant qu’il est honteux de vivre à l’étranger. Ce sentiment devient en moi de plus en plus fort, et pour la première fois je pars pour la Russie sans penser au retour et sans le désir de revenir bientôt. Je serre fortement votre main et vous remercie de vous être rapproché de moi. Soyez heureux et au revoir. »