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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/29

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VIE ET ŒUVRE

(Botkine aussi). Seul le personnage d’Olénine gâte l’impression générale, qui est magnifique. Pour le contraste entre la civilisation et la nature primitive, vierge, il n’y avait nul besoin d’introduire de nouveau cette créature toujours occupée de soi, ennuyeuse et maladive. Tolstoï ne se débarrassera-t-il donc pas de ce cauchemar[1] !… »

Et dans une autre lettre au même :

« J’ai lu Polikouchka, de Tolstoï, et j’admire la force de ce talent énorme. Seulement il en a mis trop : c’est inutilement qu’il a noyé le garçon. C’est par trop terrible. Mais il y a des pages admirables. On en a même un frisson dans le dos, et pourtant, chez nous, il est épais et grossier, le dos. C’est un maître, un vrai maître ! »

Ainsi, tandis que Tolstoï considère Polikouchka comme un « bavardage », Tourgueniev ne trouve pas d’expressions assez fortes pour le louer, et lui reproche seulement d’être trop impressionnant. Pour les Cosaques, au contraire, tandis que Tolstoï y reconnaît la sanie, c’est-à-dire un certain relent particulier qui fait la force de cette nouvelle, Tourgueniev, bien qu’enthousiaste de l’œuvre, lui reproche cette sanie, l’idée exprimée par le type d’Olénine, et ne voit là qu’un cauchemar ennuyeux et maladif.

Mais revenons à l’idylle de Iasnaia Poliana. Parfois Tolstoï paraît se détacher de son activité infatigable et, fermant les yeux à tout, se plonger en soi entièrement, et, bien que de loin, on remarque déjà la terrible vision, le dragon de la mort, qui alors le

  1. Fet, Mes Souvenirs, tome ii, p. 7.