Aller au contenu

Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
285
VIE ET ŒUVRE

quart de verste de la maison, et là, il rencontre des pèlerins. Il s’arrête à causer avec eux, et s’il se trouve des types intéressants et si lui-même est de bonne humeur, alors il entend des récits extraordinaires. À deux verstes, il y a des petits villages avec deux auberges pour les pèlerins (instituées non dans un but mercantile, mais par piété). Nous sommes entrés dans l’une de ces auberges. Huit personnes très différentes, des vieillards, des femmes étaient là ; les uns mangeaient, les autres priaient, les autres se reposaient. Puis l’un d’eux parle, raconte, bavarde, et c’est très curieux à entendre. Sauf les pratiques religieuses (il jeûne et va chaque dimanche à la messe) et les choses de la religion, Tolstoï s’intéresse beaucoup à la langue. Il commence à sentir fortement la beauté de la langue du peuple et chaque jour il découvre de nouveaux mots, et chaque jour maltraite de plus en plus notre langue littéraire. Tout cela, j’en suis sûr, donnera de grands résultats. Nous sommes aussi allés ensemble au tribunal du village. Nous y sommes restés trois heures, et j’en suis sorti avec le plus grand respect pour cette œuvre, tandis qu’après le procès Zassoulitch j’avais éprouvé un dégoût profond. L’objet principal des idées de Tolstoï, c’est, si je ne me trompe, la contradiction entre la vieille Russie et la Russie nouvelle, européenne. Il répète comme étant nouvelles bien des choses dites par les slavophiles, mais il vivra ces principes et comprendra comme personne. »

À cette époque, bien qu’il doutât de la vérité de l’orthodoxie, Tolstoï y était encore si attaché que, dans sa conduite personnelle, il se soumettait à l’au-