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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/385

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VIE ET ŒUVRE

ment qu’on n’a pas su se renseigner. Mais en revanche j’ai reçu ta lettre à Koslovka, et elle m’a été joyeuse. Ne t’inquiète pas de moi, et principalement, ne t’accuse pas toi-même. « Pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » Aussitôt qu’on a pardonné aux autres, on sent qu’on a soi-même raison. À en juger par ta lettre, tu as pardonné et n’en veux plus à personne. Et moi, depuis longtemps, j’ai cessé de te faire des reproches. Ce n’était qu’au commencement. Pourquoi étais-je si abattu, je l’ignore moi-même ; peut-être l’âge, peut-être une indisposition. Mais je n’ai pas à me plaindre ; la vie à Moscou m’a donné beaucoup, elle m’a tracé la route à suivre si je dois encore agir, et nous a rapprochés. Aujourd’hui, j’ai pensé aux grands enfants. Ils pensent sans doute que des parents comme nous ne sont pas tout à fait bien, qu’il faudrait en avoir de meilleurs et que plus tard eux seront bien mieux. De même il leur semble que les crêpes aux confitures sont bien peu de chose, et ils ne savent pas qu’avoir des crêpes aux confitures c’est la même chose que gagner 200.000. C’est pourquoi est faux ce raisonnement qu’ils devraient être moins grossiers envers une mère bonne qu’envers une mauvaise. Le désir d’être grossier envers sa mère est le même, qu’elle soit bonne ou mauvaise, mais être grossier envers une bonne, c’est plus sûr qu’envers une mauvaise. C’est pourquoi on est plus souvent grossier envers elle…

« Je crains que les rôles ne s’intervertissent : moi je deviendrai bien portant, animé ; et toi tu seras sombre, fatiguée. Tu dis : « Je t’aime et maintenant tu n’en as pas besoin. » C’est la seule chose