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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/424

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LÉON TOLSTOÏ

Dans la même lettre, il décrit ses impressions pendant un voyage à pied, à Toula.

« La meilleure impression d’aujourd’hui c’est deux vieillards rencontrés en route ; deux frères, de Sibérie. Ils vont sans un sou à Athos et à Jérusalem. Ils ont à eux deux cent cinquante ans. Ils ne mangent pas de viande. Ils possédaient une maison et des biens valant quatorze cents roubles. La première fois qu’ils partirent, le bruit de leur mort se répandit, la tutelle prit les biens et les ruina. De retour, ils voulurent entamer un procès. Un moine leur dit que ce serait péché, que sur leur plainte des hommes pouvaient être emprisonnés, qu’il était mieux d’y renoncer que d’aller à Jérusalem. Ils ne firent pas le procès et restèrent sans rien. L’un a un fils ; il s’est reconstruit une maison. Des vieillards très majestueux et attendrissants. En leur compagnie, je ne m’aperçus pas du chemin de Roudakovo à Toula[1]. »

Dans la lettre suivante, il parle de nouveau de son intention de s’occuper de ses terres et précise ce qu’il compte faire.

« 8 octobre 1884 — J’entreprends une chose très difficile : faire valoir la propriété, en ayant en vue non l’exploitation en général, mais les rapports envers les hommes, dans cette exploitation. Il est difficile de ne pas être amené à sacrifier les rapports avec les hommes à la gérance. Cependant il faut diriger l’exploitation convenablement ; toutefois, quand la question se pose entre le gain et le rapport humain, pencher pour ce dernier. Je suis

  1. Archives de la comtesse S. A. Tolstoï.