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Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 3.djvu/52

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LÉON TOLSTOÏ

Quand nous fûmes sortis sur la chaussée, il nous lança à grande vitesse. La soirée était brumeuse, le brouillard était si épais qu’une pareille course n’était pas sans danger ; j’étais très énervé, probablement à cause de cette course. Léon Nicolaievitch le remarqua et me demanda ce que je désirerais dans ma vie, je répondis : « Je regrette beaucoup de ne pas être votre fils. » Il ne s’étonna nullement ; il était sans doute habitué à ce que tous les enfants l’aimassent. Et lui me dit : « Moi, je voudrais… » Je me rappelle vaguement que son désir était d’être compris de ses lecteurs et qu’il blâmait tous les historiens à cause de l’inexactitude des descriptions trop extérieures des faits, et il se faisait fort de présenter ces faits sous leur vrai jour, parce qu’il en percevait le sens intime. »

Tolstoï lui aussi était enchanté de ce voyage. Il est probable qu’alors sa fantaisie d’artiste, vivifiée par la contemplation du lieu même du grand événement, travaillait d’enthousiasme et créait l’une après l’autre les merveilleuses images, pénétrées de nouvelles idées profondes. « Que Dieu m’accorde seulement la santé et le calme, écrit-il à sa femme, et je donnerai une description de la bataille de Borodino comme il n’en existe pas encore. »

Il passa des journées dans la bibliothèque du Musée de Roumiantzev, fouillant les précieuses archives de cette époque, étudiant les livres des maçons, les actes et les manuscrits.

Il est difficile de s’imaginer le travail gigantesque que fut cette recherche des matériaux. Plusieurs types, qui nous paraissent de remarquables