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EN CANOT DE PAPIER.

brisa sur mon bateau, le prit par l’arrière, le balayant, de bout en bout, de l’étambot, jusqu’à l’étrave, et le remplissant d’eau malgré la toile. Pendant une seconde la mer sembla presque unie, comme si la grande vague eût fauché les flots. Le canot disparut au-dessous de l’eau, d’où la poupe et la proue émergeaient alternativement. D’autres grandes lames suivirent la première, et l’une d’elles me tomba sur la tête et les épaules, faisant chavirer du même coup le canot et le canotier. Étant parvenu à me débarrasser de la toile du pont, je me dégageai de dessous le canot, puis remontai bien vite à la surface de l’eau. Dans cette situation, je me rappelai le passage suivant du manuel d’un canotier européen : « Lorsque vous chavirez, redressez d’abord le canot, puis montez sur une de ses extrémités en laissant vos jambes dans l’eau ; tachez de gagner le milieu du canot et videz-le avec votre chapeau. » Si encourageantes que fussent ces instructions, données par un canotier expérimenté, lorsque je les lisais à terre dans mon ermitage, je ne pouvais pour le moment songera les appliquer, car mon chapeau, le coussin et un des tolets d’acier avaient disparu, et en même temps les avirons flottaient sous le vent avec le canot.

Quoiqu’il eût sa quille en l’air, le canot aurait pu être facilement redressé, grâce à sa grande tonture, si ce n’eût été la cargaison qui, en tombant dans la toile du pont, faisait l’office de lest et maintenait la barque dans sa position anormale. Essayer de se tenir aux côtes si bien vernis du canot était inutile, car il roulait comme un marsouin dans la marée. Après avoir éprouvé par