Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/148

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chapitre huitième.

en lui remettant un dollar comme prix de ses services, j’ajoutai beaucoup de remercîments pour son hospitalité ; puis le canot repartit à nouveau, suivant un chenal étroit et peu profond dont le fond était couvert de végétation. La grande tour du phare de l’île Fenwick, placé sur la ligne frontière du Delaware et du Maryland, était maintenant mon point de repère. Elle s’élève sur une côte plate, qui forme une barrière contre laquelle la mer vient se briser. Les habitants de la côte prononcent Fenwick, Phœnix. L’île Phœnix, disaient-ils, faisait autrefois partie du continent ; mais une femme qui voulait empêcher ses bestiaux de s’égarer offrit en payement une chemise à un homme pour qu’il creusât une rigole entre la grande et la petite baie d’Assawaman. Le flux et le reflux, à force de passer et de repasser dans cette ouverture, lui donnèrent plus de cent pieds de largeur avec une profondeur de dix à quinze pieds dans certains endroits, à marée haute ; l’ouverture de ce passage diminua si bien le volume d’eau dans la passe du petit Assawaman, qu’elle se ferma bientôt complètement. Là, l’eau était presque douce, car la passe la plus rapprochée, qui admet l’eau salée à marée haute, se trouvait à l’île Chincoteague, à quelque cinquante milles de distance.

Passant à l’ouest du phare, je pensais à ce qu’une femme peut faire, et je m’attendais presque à entendre sortir des eaux la chanson de la « chemise », qui, dans ce cas-là, eût été plus gaie que celle du « capuchon ». J’entrais maintenant dans la baie du grand Assawaman, dont les eaux étaient unies comme un miroir ; devant