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EN CANOT DE PAPIER.

de Cuffi sortit avant le lever du soleil pour me voir partir, et le canot atteignit la brume au milieu de la large rivière Cooper, que je remontai en suivant de près la rive gauche. À quatre milles, en avançant dans ce cours d’eau, on rencontre un passage qui va, à travers les marais du Cooper, jusqu’au New-River ; on appelle ce ruisseau le Ram’s-Horn. En y entrant, et à droite, s’élève au milieu du marais une grande futaie, qui porte le nom de l’île Page. À moitié chemin, entre les deux rivières et le long et sinueux passage, est une autre éminence appelée l’île Pine, qu’habitent les familles de deux constructeurs de bateaux.

Tandis que je naviguais sur le Cooper et que le brouillard roulait en nuages épais sur les eaux calmes, une barque à voile, montée par des noirs, parut et disparut dans le brouillard. Je les hélai : « Dites-moi le nom du prochain cours d’eau, s’il vous plaît ! » Une voix éraillée me parvint à travers la brume : « Souquez, et allez au diable ! » Puis tout retomba encore une fois dans le silence de la nuit. Pour me rendre compte de la réponse peu courtoise qu’on venait de me faire et tout à fait contraire aux habitudes des gens du Sud, je consultai les cartes manuscrites que les pilotes de Charleston avaient eu la bonté de dessiner pour moi, et je vis que les noirs avaient dit la vérité et parlé géographiquement, car le ruisseau de l’île Pine est connu par les marins sous le nom : « Souquez, et allez au diable », à cause de ses sinuosités et parce que les courants de marées s’y rencontrent et s’y combattent à mi-chemin. Aussi devient-il très-dur pour le batelier de ramer dans ces parages, dont