Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/131

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chapitre septième.

moi-même combien sont futiles tous les bons conseils des écrivains sur les fortunes de la mer, et me sentant très-roide dans l’eau glacée, je me dirigeai presque épuisé vers la côte. À ce moment, une nouvelle épreuve me donna une intéressante leçon. Les vagues roulaient par-dessus ma tête et mes épaules avec une telle rapidité qu’il m’était impossible de respirer, tandis qu’un sable fin me remplissait les yeux, les narines et les oreilles, et m’écorchait la figure. Je compris alors, en sentant la pression des flots qui menaçaient de m’engloutir, pourquoi tant de bons nageurs se sont noyés, après un naufrage sur les bas-fonds, en tâchant d’atteindre le rivage, même en ayant le vent pour eux. La terre n’était pas à plus d’un huitième de mille, autant que j’en pouvais juger par le bruit peu rassurant des lames qui déferlaient de tout leur poids sur le sable de la plage. En entendant les roulements de tonnerre, qui augmentaient de force, je pus reconnaître que j’approchais de la terre ; mais, aveuglé par le bouillonnement des eaux, je ne pouvais rien voir.

Dans un tel moment, ne songez jamais à faire des vœux et à promettre de bien vivre à l’avenir avec votre prochain, mais nagez, combattez comme vous n’avez jamais combattu encore, avalez le moins d’eau possible et ne perdez ni le courage ni l’espérance. J’avais enfin trouvé pied, et j’étais debout, lorsqu’une lame me jeta à plat ventre. Tantôt sur la crête, tantôt dans le creux des flots, rampant et nageant, je sortis de la mer ressemblantt, je crois, plutôt à Jonas (lorsqu’il fut jeté à la côte) qu’à la Vénus de Cabanel, portée gracieusement