Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/162

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chapitre huitième.

struite avec mes rames et des coquilles d’huîtres, pour les mettre à l’abri de la prochaine marée ; ensuite, je m’enveloppai doucement et non sans peine dans l’étroite coque du canot, où je devais passer la nuit. Je boutonnai la toile du pont à sa place, puis j’essayai de dormir en rêvant que je n’étais ni sardine, ni prisonnier dans quelque cachot inhospitalier. Me retourner sans déboutonner un côté de la couverture était chose impossible, même en me livrant à une gymnastique d’acrobate de première classe : je n’avais jamais pensé que pour me retourner dans mon lit, il faudrait commencer par en sortir.

À minuit, les canards sauvages (anas boschas) arrivèrent en bandes tout près du marais. Le doux chant du mâle, qui, dans cette espèce particulière de palmipèdes, n’a pas la voix criarde de la femelle, affirme d’une manière authentique son identité. Puis des rats musqués et des blaireaux qui mangent les huîtres vinrent bientôt dans le voisinage de mon campement, attirés, sans doute, par l’odeur de mes provisions. Le bruit que je faisais avec mes jambes dans la coque du canot étonnait ces animaux et éveillait leur curiosité, car ils restèrent jusqu’à l’aube à m’ennuyer.

Quand je sortis de mon lit, l’air froid me prit à la figure, et l’humidité glaciale du marais me gela les pieds. C’était le temps perdu à la passe Watchapreague qui m’avait ainsi retenu sur ce marais inhospitalier ; je voulus utiliser ce qui me restait de patience, et j’achevai ma toilette en titubant dans mes souliers humides. L’eau glacée dans laquelle je dus marcher jusqu’à la cheville