Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
134
EN CANOT DE PAPIER.

Avec le soleil du matin arriva un nouveau visiteur. J’avais fait la connaissance d’un homme qui avait été esclave, maintenant je recevais la visite d’un homme qui avait été un maître. C’était un personnage agréable et distingué, propriétaire de terres dans le voisinage. On apercevait sa grande maison blanche à un quart de mille sur la route. « J’ai appris, me dit-il, qu’un étranger arrivant du Nord est à camper ici, et j’espère qu’il voudra bien venir déjeuner avec moi. » Ce fut de cette façon aimable qu’il se présenta lui-même. Je lui répondis que j’étais établi en lieu sec, et que je me faisais scrupule d’abuser de son hospitalité en acceptant sa gracieuse invitation, lorsqu’il me restait encore tant de bonnes choses parmi mes provisions. M. Dudley n’admit aucune excuse, et il m’emmena à sa maison, où je passai la journée du dimanche ; j’assistai au service religieux dans une petite église du voisinage. Mon aimable hôte me présenta à plusieurs de ses amis, dont quelques-uns revinrent même dîner avec nous. Je trouvai les habitants du Pungo-Ferry, comme tous ceux que j’avais rencontrés en suivant les côtes du Maryland et de la Virginie, de sentiments pieux, des gens de bon cœur et hospitaliers.

Le lendemain, jour de pluie, mon hôte m’entretint de la vie qu’il avait menée dans l’armée confédérée, où il avait servi comme lieutenant. Il avait été prisonnier à l’île Johnson pendant vingt-deux mois. Il ne gardait pas rancune aux gens du Nord d’être venus dans le Sud, s’unir aux hommes du pays et travailler avec eux aux vrais intérêts de la patrie. Les habitants du Sud étaient fatigués des déchéances politiques qui leur avaient été