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Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/194

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EN CANOT DE PAPIER.

regarda avec une sorte de mépris et s’écria vivement : « — T’imagines-tu par hasard, fils, être un marin prudent ?

« — Prudent, peut-être pas ; mais je crois être un fin matelot ; on se fait plus d’honneur à perdre son bateau comme il convient à un marin, qu’à ramper et à flotter comme une tortue.

« Maintenant, étranger, vous saurez que ce vieux père prudent ne voulut plus me permettre de reprendre le gouvernail ; aussi, aujourd’hui, je vais voir ma tante au cap. » Je m’aperçus que le bateau sur lequel nous marchions était un dug-out, fait de deux troncs d’énormes cyprès. Les bateaux plus grands que celui-là se composent de trois troncs, et il en est de plus petits qui sont faits d’un seul arbre.

Burnett me dit que les bateaux de charpente se démolissent si facilement sur les bas-fonds, qu’on leur préfère les bateaux dug-out, parce qu’ils sont plus durables.

Nous passâmes bientôt le hameau de Kinnakeet-Nord, ensuite Scarsborough avec ses maisons à un seul étage, puis Kinnakeet-Sud avec ses deux moulins à vent, près desquels s’élève le phare Hatteras, à l’ouest, sur une plage stérile et dénudée. Nous nous approchâmes de la côte basse et remontâmes un petit ruisseau où nous laissâmes nos bateaux pour gagner le cottage de la tante de Burnett. Après les rivages désolés que je venais de côtoyer, cette petite maison, dans son nid de verdure, était comme une étoile qui scintille dans la profondeur de la nuit. Elle était encadrée dans un épais fourré de chênes verts, de cèdres, et bordée de yaupons, dont les