Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/233

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chapitre onzième.

enfermé de tous côtés. Le canot descendit ainsi les eaux noires, sinueuses et impétueuses du Waccamaw, sous une forêt d’arbres gigantesques qui couvraient le grand marais et me cachaient la lumière du jour. Les marais étaient inondés, et comme l’eau se déversait des fourrés dans la rivière, ils présentaient par place le spectacle incompréhensible d’eau qui remonte le courant sur un terrain parfaitement plan, bien que le sol n’ait aucune pente. Des festons de mousse d’Espagne, descendant de branches d’arbres gigantesques, donnaient un aspect funèbre à la sombre forêt, pendant que les chouettes criaient comme en pleine nuit. Le gui, avec ses grappes laiteuses et couleur de cire, en couvrant les branches de beaux arbres, prêtait aux bois l’air d’une forêt druidique. J’avais fait seize milles à la pagaie, depuis le lac, et je n’avais encore rencontré qu’une seule parcelle de terre solide, s’élevant au-dessus de l’eau, lorsque, après l’avoir franchie, je fus emporté pendant quatre milles par ces eaux turbulentes jusqu’à un point où des radeaux de bois bloquaient la rivière, et où les rives sablonneuses couvertes des pins du haut pays empiétaient sur les basses terres. C’était Old-Dock, avec sa distillerie de térébenthine, dont la cheminée envoyait au loin des vapeurs résineuses.

Le jeune M. Hall lut la lettre dont j’étais porteur, et il m’invita à partager sa demeure temporaire construite en planches non rabotées ; elle contenait deux bonnes chambres et une vaste cheminée, où le bois des pins, tout imprégné de térébenthine, brûlait comme un feu de joie.