Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/288

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chapitre douzième.

et je ramais à tâtons dans l’obscurité, interrogeant du regard les bas-fonds bordes de joncs et cherchant à découvrir un point, sur les hautes terres assez élevé pour être à l’abri de la marée, où je pusse haler mon canot et passer la nuit. Le sentiment que j’étais égaré n’était pas des plus agréables. Au milieu du léger brouillard qui s’élevait des eaux tièdes et dans l’air froid de la nuit, les objets prenaient des formes fantastiques sur les marais. Quelques joncs, plus élevés que les autres, avaient l’apparence d’arbres hauts de vingt pieds. Ces images sans réalité semblaient cependant si réelles qu’à plusieurs reprises je dirigeai mon canot contre la rive molle et vaseuse, essayant de débarquer à diverses reprises dans ce qui me paraissait être un bouquet de broussailles ; mais chaque fois je fus déçus dans mon attente. Néanmoins, je continuai à ramer pour remonter cette mystérieuse rivière, dont à ce moment j’ignorais même le nom, ne demandant qu’à trouver un point insubmersible où je pusse camper.

Tandis que j’étais dans cette anxiété, je portai mes regards en arrière, par-dessus mon épaule, et je crus reconnaître, mais comme une vision émergeant d’un banc de brume, la silhouette d’un grand navire avec toutes ses voiles serrées.

« Un navire à l’ancre dans ce pays qui n’est sur aucune route ! » m’écriai-je, en croyant à peine mes yeux ; mais quand je dirigeai mon canot de ce côté et que je regardai encore en arrière, l’illusion avait paru s’évanouir aussi bien que mes espérances.

Lorsque, une fois de plus, je revis de grands mats