Page:Blémont - Pour les inondés, 1875.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


L’espace éteint les voix, les sanglots, les cris rauques,
Et le mugissement du bétail effaré
Se mêle au caverneux roulement des flots glauques,
D’où semble s’élever un long Miserere.

Troupeaux, bergers et chiens, moribonds et cadavres,
S’en vont à la dérive au milieu des débris.
Nul secours, nul espoir, pas d’îlots, pas de havres !
L’espace éteint les voix, les sanglots et les cris.

Vers le vieux cimetière où s’effondrent les marbres,
Un berceau tournoyant échoue entre les croix ;
À peine émerge encor la cime des grands arbres
Sur le mouvant désert que rident les vents froids.

En vain les naufragés, à bout de résistance,
Font un suprême appel : le gouffre répond seul ;
Le niveau, de la Mort passe sur l’Existence.
Tout s’abîme et se perd sous un vaste linceul.