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CONTES MYSTIQUES

champ, le maître du château s’en alla tout conter à un vieux curé fort savant.

— « Mon ami, dit le curé, il faut tenir parole. Mais fais semblant de boire et de manger, et n’avale rien de ce que le mort mettra dans ton verre et dans ton assiette. Je t’accompagnerai, pour te garder de tout malheur. Viens me prendre ici demain, une heure avant minuit. »

Le lendemain, une heure avant minuit, le curé et son compagnon partirent. La nuit était noire, les fenêtres de l’église brillaient, et l’on sentait une bonne odeur de cuisine.

— « Laisse-moi faire, dit le curé. »

Sur le premier coup de minuit, le curé frappa à la porte ; mais elle ne s’ouvrit pas. Alors, l’invité frappa lui-même. Aussitôt, la porte s’ouvrit et se referma, laissant dehors le curé, qui s’agenouilla pour prier Dieu.

Tous les cierges de l’église étaient allumés. La table était mise dans le sanctuaire, devant le maître-autel et je ne sais combien de morts, vêtus de linceuls, achevaient de faire la cuisine.

— « Allons, mon ami, tu es homme de parole. Asseyons-nous, et ne laissons pas refroidir la soupe. »

Tous les morts s’attablèrent, et le monsieur se mit en face de celui qui l’avait invité. Mais il se souvenait des recommandations du curé. Il faisait