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SUPERSTITIONS

Mais quand il fut devenu riche, les gens lui donnèrent, par jalousie, le sobriquet de Cagolouidors[1]. Mon pauvre grand-père (Dieu lui pardonne !) m’a souvent conté comment ce tisserand fit fortune, et vous allez le savoir.

Cluzet n’avait pas son pareil pour prendre les lapins en toute saison, au furet, au lacet, et pour les tuer à l’affût, même dans les nuits les plus noires. Tous les ans, il faisait ainsi périr plus d’un millier de ces bêtes, que sa femme et sa fille allaient vendre, aux foires et marchés de Lectoure[2] et d’Astaffort[3].

Les nobles et les riches bourgeois, qui aimaient la chasse, n’étaient pas contents. Ils traitaient Cluzet de canaille, de braconnier, et le dénonçaient aux gendarmes. Mais lui ne faisait qu’en rire, car il mettait souvent les juges de Lectoure à même de manger de bons civets, qui ne leur coûtaient pas cher. Comme de juste, ces messieurs se gardaient bien de condamner un si brave homme.

Un soir d’hiver, veille du premier de l’an, Cluzet mangeait la soupe avec tous les siens. Cela fait, il dit à sa femme :

  1. En gascon, ce sobriquet signifie « Chie louis d’or. »
  2. Chef-lieu d’arrondissement du département du Gers.
  3. Chef-lieu de canton du département de Lot-et-Garonne, situé non loin de Saint-Avit.