ne mange Jésus-Christ que par la foi, et non par la bouche, comme le disent malicieusement vos Pères Annat et Meynier, qui en font le capital de leur accusation.
Vous voilà donc bien mal en preuves, mes Pères ; et c’est pourquoi vous avez eu recours à un nouvel artifice, qui a été de falsifier le Concile de Trente, afin de faire que M. Arnauld n’y fût pas conforme, tant vous avez de moyens de rendre le monde hérétique. C’est ce que fait le P. Meynier en cinquante endroits de son livre, et huit ou dix fois en la seule p. 54, où il prétend que, pour s’exprimer en catholique, ce n’est pas assez de dire : je crois que Jésus-Christ est présent réellement dans l’Eucharistie ; mais qu’il faut dire : Je crois, AVEC LE CONCILE, qu’il y est présent d’une vraie PRESENCE LOCALE, ou localement. Et sur cela il cite le Concile, Sess. 13, can. 3, can. 4, can. 6. Qui ne croirait en voyant le mot de présence locale cité de trois Canons d’un Concile Universel, qu’il y serait effectivement ? Cela vous a pu servir avant ma quinzième lettre ; mais à présent, mes Pères, on ne s’y prend plus. On va voir le Concile, et on trouve que vous êtes des imposteurs ; car ces termes de présence locale, localement, localité, n’y furent jamais : et je vous déclare de plus, mes Pères, qu’ils ne sont dans aucun autre lieu de ce Concile, ni dans aucun autre Concile précédent, ni dans aucun Père de l’Église. Je vous prie donc sur cela, mes Pères, de dire si vous prétendez rendre suspects de Calvinisme tous ceux qui n’ont point usé de ce terme ? Si cela est, le Concile de Trente en est suspect, et tous les saints Pères sans exception. N’avez-vous, point d’autre voie pour rendre M. Arnauld hérétique, sans offenser tant de gens qui ne vous ont point fait de mal, et entre autres saint Thomas, qui est un des plus grands défenseurs de l’Eucharistie, et qui s’est si peu servi de ce terme, qu’il l’a rejeté au contraire, 3 p, q. 76, a 5, où il dit : Nullo modo corpus Christi est in hoc sacramento localiter ? Qui êtes-vous donc, mes Pères, pour imposer de votre autorité de nouveaux termes, dont vous ordonnez de se servir pour bien exprimer sa foi : comme si la profession de foi dressée par les Papes, selon l’ordre du Concile, où ce terme ne se trouve point, était défectueuse, et laissait une ambiguïté dans la créance des fidèles, que vous seuls eussiez découverte ? Quelle témérité de prescrire ces termes aux docteurs mêmes ! Quelle fausseté de les imposer à des Conciles généraux ! Et quelle ignorance de ne savoir pas les difficultés que les saints les plus éclairés ont fait de les recevoir ! Rougissez, mes Pères, de vos impostures ignorantes, comme dit l’Ecriture aux imposteurs ignorants comme vous : De mendacio ineruditionis tuoe confundere.
N’entreprenez donc plus de faire les maîtres ; vous n’avez ni le caractère ni la suffisance pour cela. Mais, si vous voulez faire vos propositions plus modestement, on pourra les écouter ; car, encore que ce mot de présence locale ait été rejeté par saint Thomas, comme vous avez vu, à cause que le corps de Jésus-Christ n’est pas en l’Eucharistie dans l’étendue ordinaire des corps en leur lieu, néanmoins ce terme a été reçu par quelques nouveaux auteurs de controverse, parce qu’ils entendent seulement par là que le corps de Jésus-Christ est vraiment sous les espèces, lesquelles étant en un lieu particulier, le corps de Jésus-Christ y est aussi. Et en ce sens M. Arnauld ne fera point de difficulté de l’admettre, puisque M. de Saint-Cyran et lui ont déclaré tant de fois que Jésus-Christ, dans l’Eucharistie, est véritablement en un lieu particulier, et miraculeusement en plusieurs lieux à la fois. Ainsi tous vos raffinements tombent par terre, et vous n’avez pu donner la moindre apparence à une accusation qu’il n’eût été permis d’avancer qu’avec des preuves invincibles.
Mais à quoi sert, mes Pères, d’opposer leur innocence à vos calomnies ? Vous ne leur attribuez pas ces erreurs dans la croyance qu’ils les soutiennent, mais dans la croyance