Page:Blaise Pascal - Les Provinciales.djvu/26

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De Paris, ce 9 février 1656.

Monsieur,

Je viens de recevoir votre Lettre, et en même temps l'on m'a apporté une copie manuscrite de la censure. Je me suis trouvé aussi bien traité dans l'une, que M. Arnauld l'est mal dans l'autre. Je crains qu'il n'y ait de l'excès des deux côtés, et que nous ne soyons pas assez connus de nos juges. Je m'assure que, si nous l'étions davantage, M. Arnauld mériterait l'approbation de la Sorbonne et moi la censure de l'Académie. Ainsi nos intérêts sont tout contraires. Il doit se faire connaître pour défendre son innocence, au lieu que je dois demeurer dans l'obscurité pour ne pas perdre ma réputation. De sorte que, ne pouvant paraître, je vous remets le soin de m'acquitter envers mes célèbres approbateurs, et je prends celui de vous informer des nouvelles de la censure.

Je vous avoue, Monsieur, qu'elle m'a extrêmement surpris. J'y pensais voir condamner les plus horribles hérésies du monde; mais vous admirerez, comme moi, que tant d'éclatantes préparations se soient anéanties sur le point de produire un si grand effet.

Pour l'entendre avec plaisir, ressouvenez-vous, je vous prie, des étranges impressions qu'on nous donne depuis si longtemps des Jansénistes. Rappelez dans votre mémoire les cabales, les factions, les erreurs, les schismes, les attentats, qu'on leur reproche depuis si longtemps; de quelle sorte on les a décriés et noircis dans les chaires et dans les livres, et combien ce torrent, qui a eu tant de violence et de durée, était grossi dans ces dernières années, où on les accusait ouvertement et publiquement d'être non seulement hérétiques et schismatiques, mais apostats et infidèles, de nier le mystère de la transsubstantiation, et de renoncer à Jésus-Christ et à l'Evangile.

Ensuite de tant d'accusations si surprenantes, on a pris le dessein d'examiner leurs livres pour en faire le jugement. On a choisi la Seconde Lettre