Page:Blaise Pascal - Les Provinciales.djvu/53

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que c'est toujours simonie de donner un bien spirituel pour un temporel, si le temporel en est la fin. Par ce moyen, nous empêchons une infinité de simonies; car qui serait assez méchant pour refuser, cri donnant de l'argent pont un bénéfice, de porter son intention à le donner comme un motif qui porte le bénéficier à le résigner, au lieu de le donner comme le prix du bénéfice? Personne n'est assez abandonné de Dieu pour cela. Je demeure d'accord, lui dis-je, que tout le monde a des grâces suffisantes pour faire un tel marché. Cela est assuré, repartit le Père.

Voilà comment nous avons adouci les choses à l'égard des bénéficiers. Quant aux prêtres, nous avons plusieurs maximes qui leur sont assez favorables. Par exemple, celle-ci de nos vingt-quatre, tr. I, ex. II, n. 96: Un prêtre qui a reçu de l'argent pour dire une messe peut-il recevoir de nouvel argent sur la même messe? Oui, dit Filiutius, en appliquant la partie du sacrifice qui lui appartient comme prêtre à celui qui le paie de nouveau, pourvu qu'il n'en reçoive pas autant que pour une messe entière, mais seulement pour une partie, comme pour un tiers de messe.

Certes, mon Père, voici une de ces rencontres où le pour et le contre sont bien probables; car ce que vous dites ne peut manquer de l'être, après l'autorité de Filiutius et d'Escobar. Mais, en le laissant dans sa sphère de probabilité, on pourrait bien, ce me semble, dire aussi le contraire, et l'appuyer par ces raisons. Lorsque l'Eglise permet aux prêtres qui sont pauvres de recevoir de l'argent pour leurs messes, parce qu'il est bien juste que ceux qui servent à l'autel vivent de l'autel, elle n'entend pas pour cela qu'ils échangent le sacrifice pour de l'argent et encore moins qu'ils se privent eux-mêmes de toutes les grâces qu'ils en doivent tirer les premiers. Et je dirais encore que les prêtres, selon saint Paul, sont obligés d'offrir le sacrifice, premièrement pour eux-mêmes, et puis pour le peuple; et qu'ainsi il leur est bien permis d'en associer d'autres au fruit du sacrifice, mais non pas de renoncer eux-mêmes volontairement à tout le fruit du sacrifice, et de le donner à un autre pour un tiers de messe, c'est-à-dire pour quatre ou cinq sols. En vérité, mon Père, pour peu que je fusse grave, je rendrais cette opinion probable. Vous n'y auriez pas grand peine, me dit-il; elle l'est visiblement. La difficulté était de trouver de la probabilité dans le contraire des opinions qui sont manifestement bonnes, et c'est ce qui n'appartient qu'aux grands personnages. Le P. Bauny y excelle. Il y a du plaisir de voir ce savant casuiste pénétrer dans le pour et le contre d'une même question qui regarde encore les prêtres, et trouver raison partout, tant il est ingénieux et subtil.

Il dit en un endroit, c'est dans le traité X, p. 474: On ne peut pas faire une loi qui obligeât les curés à dire la messe tous les jours, parce qu'une telle loi les exposerait indubitablement, haud dubie, au péril de la dire quelquefois en péché mortel. Et néanmoins dans le même Traité X, p. 441, il dit que les prêtres qui ont reçu de l'argent pour dire la messe tous les jours la doivent dire tous les jours et qu'ils ne peuvent pas s'excuser sur ce qu'ils ne sont pas toujours assez bien préparés pour la dire, parce qu'on peut toujours faire l'acte de contrition; et que s'ils y manquent, c'est leur faute et non pas celle de celui qui leur fait dire la messe. Et pour lever les plus grandes difficultés qui pourraient les en empêcher, il résout ainsi cette question dans le même traité, q. 32, page 457: Un prêtre peut-il dire la messe le même jour qu'il a commis un péché mortel, et des plus criminels, en se confessant auparavant? Non, dit Villabos, à cause de son impureté. Mais Sanctius dit que oui, et sans aucun péché, et je tiens son opinion sûre, et qu'elle doit être suivie dans la pratique: et tuta et sequenda in