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De Paris, ce 2 août 1656.

Monsieur,

Ce n’est pas encore ici la politique de la Société, mais c’en est un des plus grands principes. Vous y verrez les adoucissements de la Confession, qui sont assurément le meilleur moyen que ces Pères aient trouvé pour attirer tout le monde et ne rebuter personne. Il fallait savoir cela avant que de passer outre ; et c’est pourquoi le Père trouva à propos de m’en instruire en cette sorte.

Vous avez vu, me dit-il, par tout ce que je vous ai dit jusques ici, avec quel succès nos Pères ont travaillé à découvrir, par leur lumière qu’il y a un grand nombre de choses permises qui passaient autrefois pour défendues ; mais, parce qu’il reste encore des péchés qu’on n’a pu excuser, et que l’unique remède en est la Confession, il a été bien nécessaire d’en adoucir les difficultés par les voies que j’ai maintenant à vous dire. Et ainsi, après vous avoir montré, dans toutes nos conversations précédentes, comment on a soulagé les scrupules qui troublaient les consciences, en faisant voir que ce qu’on croyait mauvais ne l’est pas, il reste à vous montrer en celle-ci la manière d’expier facilement ce qui est véritablement péché, en rendant la Confession aussi aisée qu’elle était difficile autrefois. Et par quel moyen, mon Père ? C’est, dit-il, par ces subtilités admirables qui sont propres à notre Compagnie, et que nos Pères de Flandre appellent, dans l’Image de notre premier siècle, l. 3, or. I, p. 401, et l. I, c. 2, de pieuses et saintes finesses, et un saint artifice de dévotion : piam et religiosam calliditatem, et pietatis solertiam. Au l. 3, c. 8, c’est par le moyen de ces inventions que les crimes s’expient aujourd’hui alacrius, avec plus d’allégresse et d’ardeur qu’ils ne se commettaient autrefois ; en sorte que plusieurs personnes effacent leurs taches aussi promptement qu’ils les contractent : plurimi vix citius maculas contrahunt quam eluunt, comme il est dit au même lieu. Apprenez-moi donc, je vous prie, mon Père, ces finesses si salutaires. Il y en a plusieurs, me dit-il ; car, comme il se trouve beaucoup de choses pénibles dans la Confession, on a apporté des adoucissements à chacune ; et parce que les principales peines qui s’y rencontrent sont la honte de confesser de certains péchés, le soin d’en exprimer les circonstances, la pénitence qu’il en faut faire, la résolution de n’y plus tomber, la fuite des occasions prochaines qui y engagent, et le regret de les avoir commis ; j’espère vous montrer aujourd’hui qu’il ne reste presque rien de fâcheux en tout cela, tant on a eu soin d’ôter toute l’amertume et toute l’aigreur d’un remède si nécessaire.

Car, pour commencer par la peine qu’on a de confesser de certains péchés, comme vous n’ignorez pas qu’il est souvent assez important de se conserver dans l’estime de son confesseur, n’est-ce pas une chose bien commode de permettre, comme font nos Pères, et entre autres Escobar, qui cite encore Suarez, tr. 7, a. 4, n. 135, d’avoir deux confesseurs, l’un pour les péchés mortels, et l’autre pour les véniels, afin de se maintenir en bonne réputation auprès de son confesseur ordinaire, uti bonam famam apud ordinarium tueatur, pourvu qu’on ne prenne pas de là occasion de demeurer dans le