Page:Blanc-Quelques vérités économiques.djvu/8

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Vous nous criez : « Travaille ! » mais nous n’avons ni un champ pour labourer ; ni du bois pour construire ; ni du fer pour forger : ni de la laine, de la soie, du coton, pour en faire des étoffes. C’est peu : ne nous est-il pas interdit de cueillir ces fruits, de boire à cette fontaine, d’aller à la chasse de ces animaux, de nous ménager un abri sous ce feuillage ? Tout nous manque pour travailler et… pour vivre, parce qu’en naissant nous avons trouvé tout envahi autour de nous ; parce que des lois, faites sans nous et avant nous, ont remis cruellement au hasard le soin de notre destinée ; parce qu’en vertu de ces lois, les « moyens de travail » dont la terre semblait avoir réservé l’usage à tous ses enfants, sont devenus la possession exclusive de quelques-uns. À ceux-ci de disposer de nous, puisque nous ne pouvons disposer de nous-mêmes. « Travaille ! » Nous sommes prêts, mais cela ne dépend-il que de notre volonté ? « Travaille, et tu seras assuré de conserver le fruit de ton travail. » Eh ! comment nous garantiriez-vous le fruit de notre labeur, quand vous ne pouvez ou n’osez nous garantir l’emploi de nos bras ? Notre dénuement nous livre à la merci d’autrui, et ce qu’on nous offre, en échange de notre activité, ce n’est pas le produit créé, c’est seulement un salaire qui nous permettra de vivre en le créant, salaire dont la concurrence maintient le chiffre au niveau des plus strictes nécessités de la vie, et qui ne laisse presque jamais de marge pour des épargnes, que dévorerait, d’ailleurs, le premier jour de chômage ou de maladie. Ce n’est donc pas la perspective du bien-être futur de nos enfants qui nous stimule, nous : en fait de stimulant, nous ne connaissons que la faim. Comment se fait-il que ceux qui fécondent la terre soient en peine d’un morceau de pain ? que ceux qui tissent les étoffes précieuses soient en peine d’un vêtement ? que ceux qui bâtissent les palais ne sachent pas quelquefois où reposer la tête ?…

(Révélations historiques, pages 166 à 169.)