Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/126

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Comment se défendre ici d’un rapprochement douloureux ? Pour sauver ces jeunes gens héroïques qui allaient mourir pour elle, que fit la bourgeoisie ? Quoi, soixante mille francs offerts à un concierge dont la place en rapportait annuellement vingt-mille, voilà tout ce qui fut tenté ! et lorsque la charrette fatale fendait les flots d’une multitude si profondément émue qu’on vît des hommes tomber à genoux et des vieillards se découvrir, la bourgeoisie ne trouva pas moyen de soulever le peuple, elle qui, au mois de juin, avait su déployer, pour la défense de ses intérêts menacés, une si formidable puissance d’agitation !

Je m’arrête. Après la mort des sergents de La Rochelle, la charbonnerie s’affaiblit et se décompose. Deux partis se forment dans son sein. L’un veut qu’on se prononce nettement pour la république, et il entoure Lafayette ; l’autre ne veut pas qu’un gouvernement quelconque soit imposé à la nation, et il se couvre du nom de Manuel. Ces divisions, sourdes d’abord, s’aigrissent bientôt, s’enveniment et éclatent en accusations réciproques. L’anarchie pénètre la charbonnerie par tous les pores, et à sa suite s’introduisent les défiances injustes, les haines, l’égoïsme, l’ambition. La période du dévouement passée, celle de l’intrigue commence.

La charbonnerie n’était point descendue dans les profondeurs de la société, elle n’en avait point re-