Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/185

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s’être tout à coup ranimée. Il se montrait alerte et triomphant, sans qu’on put savoir d’une manière bien précise sous quelle influence s’étaient rouvertes en lui les sources épuisées de la vie.

Du reste, la contenance altière du premier ministre, l’air contraint de ses collègues, un redoublement d’arrogance chez les courtisans, quelques paroles imprudentes, recueillies à la dérobée et propagées par la peur, le langage des feuilles publiques plus passionné que jamais, tout cela ouvrait carrière à des conjectures sinistres : les esprits étaient en suspens.

Beaucoup, dans le parti libéral, pressentaient un coup d’état, mais, à part quelques jeunes gens qui prenaient leurs désirs pour de la prévoyance, nul ne pensait que de ce coup d’état dût sortir une révolution prochaine. Dans la journée du 22 juillet, M. Odilon-Barrot disait à deux des membres les plus hardis de la société Aide-toi : « Vous avez foi dans une insurrection de place publique ? Eh mon Dieu ! si un coup d’état venait à éclater, vaincus vous seriez traînés à l’échafaud, et le peuple vous regarderait passer. » Les chefs politiques de la bourgeoisie ne comptaient pas sur la protection armée de la multitude, sans parler de tout ce qu’une protection semblable leur paraissait avoir de violent et d’orageux.

La bourgeoisie, en effet, avait alors trop à risquer pour affronter les chances d’une révolution. Elle jouissait de toutes les ressources du crédit ; la majeure partie des capitaux était dans ses mains ; son intervention dans le maniement des affaires, était