Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/217

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tre avec politesse l’objet de sa mission. « C’est en vertu des ordonnances. Monsieur, lui dit M. Baude avec fermeté, que vous venez briser nos presses. Eh bien ! c’est au nom de la loi que je vous somme de les respecter. » Le commissaire envoya chercher un serrurier. Les portes de l’imprimerie allaient être enfoncées. M. Baude arrête l’homme du peuple, et prenant un code, il lit à voix haute l’article qui punit le vol avec effraction. Le serrurier se découvre pour rendre hommage à la loi ; mais, sur une injonction nouvelle du commissaire, il paraissait prêt à céder, lorsque M. Baude lui dit avec un sang-froid ironique : « Faites ! Il ne s’agit pour vous que des travaux forcés. » En même temps, il en appelle du commissaire à la cour d’assises, et tire de sa poche un portefeuille pour y dresser la liste des témoins. Le portefeuille passe de main en main, et chacun y inscrit son nom. Tout, dans cette scène, était émouvant et singulier : la stature de M. Baude, sa figure rude, son œil perçant voilé par d’épais sourcils, la loi pour laquelle il demandait respect, l’attitude indomptable des spectateurs, la protection des juges absents invoquée à quelques pas d’un détachement de gendarmes, la foule qui s’amoncelait au-dehors de minute en minute et grondait. Frappé de terreur, le serrurier se retira au milieu des applaudissements et des bravos. Un autre fut appelé. Il essaya d’exécuter les ordres qu’il avait reçus on venait de lui dérober ses instruments. Il fallut recourir au serrurier chargé de river les fers des forçats. Ces débats qui durèrent plusieurs heures et eurent un grand nombre de témoins, empruntaient des cir-