Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/225

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Mais une révolution était devenue inévitable. Or, ce peuple, qui allait la faire, en comprenait-il bien le sens, et pouvait-il en pressentir la portée ? Savait-il où étaient ses ennemis Savait-il quels hommes il devait prendre pour chefs ? Dans cette soirée, une voiture fut arrêtée, rue de Clichy, par une bande d’ouvriers armés de bâtons. « C’est un ministre qui s’enfuit », crièrent ces ouvriers d’une voix terrible. Dans la voiture se trouvaient Mme Danrémont, ses deux enfants et un inconnu. La portière s’ouvre, et l’inconnu s’élance à terre. Il aurait été tué peut-être, car il n’osait livrer le secret de son nom, lorsqu’un passant, l’ayant reconnu, s’écria Casimir Périer ! À ces mots l’enthousiasme succède à la menace, et on porte en triomphe comme un des plus implacables adversaires de Charles X celui qui, dans ce moment même, ne réfléchissait qu’aux moyens de lui sauver une couronne. Car, trop souvent, le peuple ne combat que pour un déplacement de tyrannie, et prend des chefs dont il ne sait que le nom.

À peu près à la même heure, les jeunes gens députés par l’École polytechnique venaient frapper à la porte de l’hôtel Laffitte. On leur répondit que le maître de la maison était couché. Il devait se réveiller le lendemain au bruit d’une révolution ; car on descendait une pente qu’il n’était déjà plus possible de remonter.

M. de Polignac, de son côté, prenait ses mesures, et envoyait l’ordre à deux bataillons du 6e régiment de la garde, alors en garnison à Saint-Denis, de marcher sur Paris en toute hâte. Il était nuit quand