Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/229

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chaient suivis de deux ou trois cents hommes qui mêlaient le nom de l’Empereur à des vœux de liberté. Mais vive la Charte était le cri des bourgeois. Les hommes du peuple, qui ne connaissaient pas la Charte, firent passer dans ce cri toutes les espérances confuses qu’ils avaient au fond du cœur. Beaucoup moururent pour un mot qu’ils ne comprenaient pas ceux qui le comprenaient devaient se montrer ensuite pour ensevelir les morts. Des meneurs habiles osèrent même, dès le commencement de la lutte, faire circuler sourdement dans quelques groupes le nom de Prince noir. Ils savaient combien est irrésistible le pouvoir du mystère, et combien l’ignorance du peuple est poétique.

L’invasion de la mairie des Petits-Pères fut un des premiers épisodes de la journée du 28. Là s’étaient rendus de grand matin, armés de fusils et prêts pour le combat, MM. Degousée, Higonnet, Laperche. M. Degousée portait l’uniforme de la garde nationale, et beaucoup d’hommes du peuple s’étaient joints, le long des boulevards, à ce groupe de citoyens courageux. Bientôt le poste fut forcé, la mairie occupée, les fusils qu’elle contenait furent distribués au peuple, on battit le rappel. À ce bruit solennel du tambour, annonçant l’émeute, plusieurs bourgeois s’émeuvent, revêtent leur uniforme de gardes nationaux, et accourent en armes sur la place. Quelques-uns se détachent et vont garder le poste de la banque, mêlés aux soldats de la ligne ; d’autres s’installent à la mairie, pour y veiller à l’ordre public. C’étaient là pour des insurgés d’étranges auxiliaires. Cependant l’agitation se répandait partout,