Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Étienne Arago, qui témoignait beaucoup d’ardeur : « Tenez, lui dit-il, en lui montrant un homme du peuple qui cirait ses souliers avec l’huile d’un réverbère cassé, voilà le peuple, voilà Paris ! Légèreté…, insouciance…, application à de petits usages de ce qui représente de grandes choses… » Il se trompait de moitié. Le peuple devait prendre part au combat d’une manière sérieuse : il ne fut indifférent qu’aux résultats de la victoire.

Les deux bataillons de la garde chargés de parcourir la rive droite de la Seine, s’étaient mis en marche sous la conduite du général Talon. Au Pont-Neuf, ils entraînèrent dans leur mouvement le 15e léger qu’ils rencontrèrent, et quittant la rive droite de la Seine, ils entrèrent, par le milieu du pont, dans l’île de la Cité. Puis, débouchant sur le quai de l’Horloge, ils gagnèrent l’entrée du pont Notre-Dame où ils s’arrêtèrent un instant.

L’Hôtel-de-Ville était occupé, depuis la pointe du jour, par quelques jeunes gens intrépides, et beaucoup de citoyens craintifs, qui s’y étaient rendus pour veiller à l’ordre public, y étaient entrés parce que la place était vide, et paraissaient fort effrayés de la fougue de leurs compagnons. Mais sur la place de Grève et dans toutes les rues qui viennent y aboutir, se pressaient des hommes indomptables. Le tocsin sonnait à l’église de Saint-Séverin, et le bourdon de Notre-Dame répondait à ce bruit de deuil par un bruit plus formidable encore. Le tambour retentissait dans la rue Planche-Mibray qui fait face au pont Notre-Dame, et la foule se précipitait vers le quai.