Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/257

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effet, l’indomptable fanatisme de cet homme. Dans la nuit même qui suivit cette journée sanglante, il disait à un officier nommé Blanchard, qui avait une fort belle voix, et qui, le 28, avait fait jouer le canon sur la place de Grève : « Monsieur, j’ai souvent admiré votre voix ; mais jamais elle ne m’a été au cœur comme aujourd’hui. »

Le duc de Raguse, on l’a vu, n’avait accepté qu’en frémissant la mission funeste qui lui avait été imposée. Cependant il avait dû lancer des mandats d’arrestation contre quelques hommes depuis long-temps suspects à la cour, tels que MM. Lafayette, Laffitte, Audry de Puyraveau, Eusèbe de Salverte, Marchais. Il profita de la visite des députés pour retirer ces cruels mandats. Sa loyauté lui servait ici de prétexte. Il écrivit ensuite au roi, comme il l’avait promis. C’était la troisième lettre qu’il adressait à Charles X, depuis la mise en état de siège de la capitale. La première s’était égarée. Dans la seconde il disait : « Sire, ce n’est plus une émeute, c’est une révolution. L’honneur de la couronne peut encore être sauvé : demain peut-être il ne serait plus temps. » Dans la troisième, enfin, après avoir rendu compte au roi de la démarche des cinq commissaires, il le pressait de retirer les ordonnances, tout en lui donnant avis que les troupes pouvaient tenir un mois. M. de Polignac lut cette lettre, et, s’appuyant sur les assurances qu’elle contenait, il écrivit à son tour à Charles X pour l’encourager à une résistance vigoureuse. La dépêche du maréchal fut portée à Saint-Cloud par M. de Komiérowski ; mais il ne partit que quelques instants