Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/275

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plupart ignoraient, tout cela déconcertait les plus fermes, et les chefs eux-mêmes hésitaient, troublés jusqu’au fond du cœur.

Le peuple, maître chez lui, quittait par bandes les faubourgs et descendait le long des boulevards en colonnes serrées.

Une scène bizarre se passait en même temps au cœur de Paris. De dix à onze heures, un homme d’une taille moyenne, d’une figure énergique, traversait, en uniforme de général, et suivi par un grand nombre d’hommes armés, le marché des Innocents. C’était de M. Evariste Dumoutin, rédacteur du Constitutionnel, que cet homme avait reçu son uniforme, pris chez un fripier ; et les épaulettes qu’il portait lui avaient été données par l’acteur Perlet : elles venaient du magasin de l’Opéra-Comique. Quel est ce général, demandait-on de toutes parts ? Et quand ceux qui l’entouraient avaient répondu « c’est le général Dubourg, » vive le général Dubourg ! criait le peuple, devant qui ce nom n’avait jamais retenti. Mais tous alors avaient un immense besoin d’être commandés.

Le cortège se rendit à l’Hôtel-de-Ville. Le général s’y installa. Quelques instants après, le drapeau tricolore avait cessé de flotter sur l’Hôtel. Un homme entra dans le cabinet où se trouvait M. Dubourg et où plusieurs jeunes gens, rangés autour d’une table, étaient occupés à écrire. « Général, voici le tapissier. De quelle couleur le drapeau ? — Il nous faut un drapeau noir, et la France gardera cette couleur jusqu’à ce qu’elle ait reconquis ses libertés. »